mardi 15 février 2022

Des GJ à « ce qu’on voit de la liberté », trois ans et trois mois après... Mêmes causes, mêmes effets ?


 

La colère est mauvaise conseillère et ceux qui manipulent tout ce petit monde savent très bien comment faire enrager la foule.


Revenons s’il vous plait un moment dans le « monde d’avant ». À cette époque où j’assistais à La Réunion à « la crise des gilets jaunes ».

Avec la multitude de ronds-points qui jalonnent le principal axe routier qui fait le tour de l’île, il a suffit d’une poignée d’heures et de pas grand-monde pour parvenir à immobiliser le trafic et suspendre relativement brutalement les activités des quasi 800.000 habitants.

Le blocage du port, où transite l’essentiel des approvisionnements, s’est traduit très rapidement par des pénuries. Je vous laisse imaginer ce qu’ont généré le rationnement (et parfois l’absence) du carburant, la suspension des transports en commun, les distributeurs de billets vides, la fermeture des services publics et des commerces… et l’instauration par le préfet d’un couvre-feu et de l’état d’urgence.

Des commerces furent pillés, des particuliers rackettés à leur domicile ou en voiture au passage de certains ronds-points. Des éleveurs ont même été contraints d’abattre tout ou partie de leur bétail, faute de pouvoir le nourrir. Sans parler des problèmes d’équarrissage en plein été austral...

Quant aux radios, celle du service public « Réunion la première » (de quoi on se demande) ou Radio Freedom (de Camille Sudre, l’homme en blanc qui a mis le quartier du Chaudron en ébullition avec sa manif des casseroles au début des années 90), elles avaient suspendu leurs programmes habituels pour consacrer tout leur temps d’antenne à la seule crise des GJ. Plus populistes, tu meurs ! À diffuser en direct tous les cris et les grincements de dents, sans aucun filtre, sans aucun recul et sans aucun effort d’analyse ou de synthèse, le but étant visiblement de tendre le micro à toute la colère et la rage du peuple qui s’est déversée telle une ravine en crue pour atterrir dans l’oreille de tout un chacun. Avec des questions plus qu’orientées et une sélection évidente des interventions, les deux médias ont contribué à instaurer un climat digne du régime de Polpot, en créant un véritable champs de bataille où se succédaient, sans véritable dialogue, les pro et les antis. Bonjour les clivages ! Bonjour la fracturation ! En l’espace de deux semaines, j’ai vu cette île, longtemps vendue pour son « vivre ensemble » de carte postale, se transformer en une véritable poudrière.

Tout ça pour 3 péquins plantés à chaque rond-point ! 

L’opération aura duré tout au plus trois semaines. Et, hormis quelques ronds-points toujours occupés, les affaires ont très vite repris. À Noël, la plupart des gens avaient déjà oublié…

Et au final, qu’en est-il sorti ? Un « panier ». Oui, une liste de courses définie par la préfecture pour « lutter contre la vie chère ». Et, curieusement, ce panier ne contenait pour l’essentiel que des produits importés. La belle affaire !

Et puis, comme la « campagne des 100 fleurs », la crise aura permis de repérer les « dissidents », quelques meneurs plus soucieux de leur intérêt personnel et des marginaux désintéressés et n’ayant pas grand-chose à perdre, hormis leur intégrité physique.

Ce fut aussi l’occasion d’une démonstration de force de la part de l’Etat, la sinistre de l’outre-mer de l’époque ayant fait intervenir l’armée. Initialement pour débloquer le port mais quel besoin ont-ils eu d’aller répandre des gaz lacrymogènes à proximité d’un EPHAD ?

Pour l’anecdote, en juillet 2015, je suis allée entendre le discours de Valls, encore premier ministre et de passage dans le sud de l’île pour je ne sais plus quelle raison. Je me souviens parfaitement de cette phrase qu’il prononça et qui, avec le temps, prend tout son sens « La Réunion est une terre d’expérience ».

Jusqu’à présent, je reste persuadée qu’à l’abri du mouvement populaire « familial et bon enfant » présenté par les merdias, il s’agissait d’un exercice (militaire) grandeur nature couplé à une étude d’impact du phénomène à l’échelle de l’île entière.



Lorsque le mouvement des camionneurs canadiens a fait irruption à la une des quelques médias alternatifs que je consulte sur internet, j’ai, très vite, eu la sensation de « déjà vu ».

À l’instar des gilets jaunes, cette réaction qualifiée de « populaire » qui s’est répandue via les réseaux sociaux comme une traînée de poudre m’a aussitôt paru suspecte... 

http://sous-les-lambrequins.blogspot.com/2022/01/mais-pourquoi-le-15-fevrier-lendemain.html

Populaire est un terme qui recouvre tant de sens ! Selon mon dictionnaire préféré, il désigne ce qui :

  • appartient au peuple
  • est composé de gens du peuple
  • est destiné au peuple
  • concerne la plus grande partie de la population
  • a la faveur du peuple
  • émane du peuple

En l’occurrence, « ce qu’on voit de la liberté » passe pour être un mouvement qui, à la fois, émane du peuple, a sa faveur, et est composé de gens du peuple, tout comme le mouvement des GJ en son temps.

Le lien entre les deux semble d’ailleurs confirmé par l’une des figures des GJ qui aurait revendiqué faire partie de l’organisation de la version française du défilé de camions.

Mais à y regarder de plus près et en creusant un peu, il y a de quoi se poser de sérieuses questions.

http://sous-les-lambrequins.blogspot.com/2022/02/de-lukraine-bruxelles-en-passant-par.html


Que dire de l’attitude de ces médias alternatifs et de leurs plumitifs qui, depuis hier, ont l’air de faire comme si de rien n’était, sans un seul mot, pas le moindre commentaire à propos de ce qui s’est passé ce samedi à Paris et encore moins du vide sidéral du côté de Bruxelles.


Et de celui-ci, à qui un « subversif » confie :

« « Convoi de la liberté : le pouvoir panique »

mouais…le titre ne reflète pas vraiment le contenu..m’enfin bon.. il a au moins le  » mérite » d’être accrocheur…en tout cas je te trouve bien optimiste « le boss »( c’est comme ça qu’on t’appelle ici? ) à force de dire à longueurs de billets que nos zélites/parasites vont finir par décrocher,se faire laminer,etc,etc……on voit toujours rien venir! mais ça finira par arriver …peut-être au prochain épisode? ..en attendant faisons durer le SUSPENS!  »

Sans commentaire !


Tel autre encore qui pousse des cris d’orfraies et s’offusque que les autorités sanctionnent une personne en vue qui a déclaré son soutien au convoi ... 


En guise de consolation, il y en a un  qui offre à ses lecteurs les conseils d’un avocat pour se soustraire au paiement des amendes  reçues pour avoir participé au mouvement. 


Et tous ceux qui dénoncent la réponse musclée des forces de l’ordre qui avaient pourtant, comme les camionneurs, elles aussi annoncé la couleur.


Enfin, ces personnages dont la fonction première est de mettre de l’huile sur le feu pour faire réagir « le peuple », que ne s’en prennent-ils pas plutôt aux médias propagandistes et à leurs financeurs ? Ah mais oui, bien sûr, comme Iznogood, leur rêve c’est d’être calife à la place du calife et en portant « la voix du peuple », ils espèrent s’assurer son suffrage ! Et pour rester audible et visible, à tout prix rester con-sensuel !


En attendant, les petites gens, les naïfs et les doux rêveurs qui se sont joints à « ce qu’on voit de la liberté » en sont pour leurs frais : amendes, interpellations, sans parler du fichage, du coût du péage et du carburant ni des dons consentis à une pseudo-organisation et utilisés à son unique profit.


Quel naufrage !


Pour les fines bouches, voyez ce que pensent certains observateurs de « la belle province » des fruits amers du mouvement des camionneurs.

https://les7duquebec.net/archives/270143


C’est tout de même un sacré tour de passe-passe qui vient de se dérouler sous nos yeux !

Grâce à cette petite poignée d’excités aveuglés et manipulés, voilà ce à quoi « ce qu’on voit de la liberté » ressemble en réalité...

http://echelledejacob.blogspot.com/2022/02/convoi-lanalyse-clairvoyante-de-natacha.html


Vous savez quoi ? Tous ces gens me donnent envie de gerber... sous leurs airs cabochards, ils me font l’effet de vulgaires mouches du coche, juste bons à jouer aux agitateurs de salon, aux gourous de quartier, aux bouffons et aux fous du roi, aux complices du système. Consciencieux, ils distribuent les rasades, tel des barman soucieux de remplir leur troquet du murmure des buveurs mais plus encore leur caisse du prix de leur torpeur. Tu parles d’une tournée ! Demain je rases gratis oui, et c’est toujours ça de pris ! Tiens ! 

Allez ! À la tienne Etienne et à samedi prochain !

14 commentaires:

Veracruz a dit…

Excellent article Nadège, une prose méritant à être relayée.
En résumé moi je dirais ceci : Se méfier il faut de ramasser la savonnette sous la douche et se baisser...

Nadège Rivière a dit…

Merci VeraCruz
En ces temps de propagande et de manipulation, il est bon de mettre les points sur les i et appeler un chat, un chat.

Veracruz a dit…

pas pu voir l'image de l'article par contre elle est floue ?
J'ai l'impression que leur coup du freedom convoi est en train de faire un flop en Europe (plutôt rassurant) ou du moins pas le monde qu'ils espéraient. Et je me suis aperçu depuis deux trois jours que le sujet de la pédocriminalité ressort du bois comme par hasard, et maintenant nous voilà repartis comme au temps des GJ avec les arrestations des dirigeants imminentes!!! à la sauce Q 100% quoi on ressort les même combines qui marchent, et ça à l'air de marcher effectivement !

Nadège Rivière a dit…

La photo que j’ai mise est effectivement floue. Je l’ai choisie pour illustrer l’ivresse des buveurs et le flou artistique entretenu autour de ces « révoltes » de toutes sortes...
Comme les occupy WS, les Anon (Q ou qu’ymous), nuits debout... autant de diversions créées pour distraire et ça marche oui, à tous les coups.
Comme on dit à La Réunion « pendant c’temps-là, cabri y mange salade »...

Nadège Rivière a dit…

Noyautage ? Manipulation ?
Tiens donc !
https://bouddhanar.blogspot.com/2022/02/la-loge-maconnique-tremplin-des-damnes.html

Veracruz a dit…

Autant pour moi pour l'image :) je n'avais pas compris ce sens trouble...
Merci, intéressant ce Rémi Bagur devenant Rémi Monde sur les réseaux sociaux !
Les salariées en France ce sont complètement perdus depuis Sarko et la casse du syndical, résultat ils rêvent tous du prochain sauveur comme des enfants...

Nadège Rivière a dit…

La dislocation des syndicats n’est pas uniquement imputable aux politiques, c’est aussi et d’abord, le résultat du transfert de la plus grande partie de la production industrielle française vers des pays où la main-d’oeuvre était moins chère et moins organisée, les normes environnementales et la fiscalité moins contraignantes. Ça vaut aussi pour la production agricole (cf cet ancien président de la FNSEA qui avait investi au Brésil dans l’élevage intensif et concurrençait méchamment la production française avec ses volailles importées).
Les effets de bord de la mondialisation et de la prééminence du marché, de la loi du profit. Dans les années 90, je me demandais comment cette fuite en avant aller se terminer et qui allait pouvoir acheter ces produits fabriqués au bout du monde si tous les employeurs mettaient la clé sous la paillasson.

Quant à ce REM i Monde, encore un qui aura soldé son âme et sa conscience... Et tous ces gens qui ne réfléchissent plus et se mettent à suivre le premier joueur de flûte qui passe grâce à la puissance de la propagande et au poids des réseaux sociaux.
C’est vraiment désolant !

Veracruz a dit…

Je me souviens très bien d'une discussion avec mon frère l'année 90 justement où les délocalisations allaient déjà bon train (merci Mitterand) et où sa conclusion m'avait laissé perplexe à l'époque, il disait : les Chinois vont nous bouffer tout cru !
En 2 ans nous venons de passer au système Ouïghours, je crois que nous y sommes...

Nadège Rivière a dit…

D’un impérialisme à l’autre, il n’y a guère que l’époque qui change et les moyens qui sont plus évolués techniquement.
Étant donné la taille de ce pays et la discipline (?) de son quasi milliard et demi d’habitants, dans la mesure où les entreprises étrangères lui apportent depuis trente ans leur savoir-faire, la bascule était inéluctable.
Concernant le « système Ouïghours » pouvez-vous être plus explicite ?

Paul-Emic a dit…

une technique malheureusement bien décrite dans 1984 : le pouvoir suscite sa propre opposition contrôlée formée pour l'essentiel de gens de bonne foi.

Veracruz a dit…

Ouïghours = Labo Chinois du contrôle numérique social absolu (les Français ont le Rwanda comme Labo ingénierie sociale, les USA ont l'Amérique du Sud comme Labo pour l'économie ultra libérale etc...)
Rien n'est lancé sans avoir été testé, et cette Guerre aussi, ils ont la totale certitude de la Gagner.

Nadège Rivière a dit…

1984, plus qu’un roman d’anticipation, un manuel opératoire à l’usage des uns et un outil de la fabrique du consentement des autres.
Je me demande s’il fait toujours partie des classiques que les collégiens doivent avoir lu.

Nadège Rivière a dit…

Ok. Je comprends mieux. Pas d’autre alternative donc que la rupture.
« Que l'instinct primitif subsiste, qu'il exerce une action disruptive, cela n'est pas douteux. On n'a qu'à le laisser faire, et la construction politique s'écroule » (Bergson, Deux sources,1932, p. 294).

Nadège Rivière a dit…

Lu chez Nicolas Bonnal

Nous sommes dans l’ère de la post-vérité. La réalité est fabriquée. Les sophismes d’Aristote sont dépassés. Les « spins Doctors » surdiplômés font de la gestion de la perception. On est mené par le management, de manège… un enclos à bétail. Le bétail humain, la « chair » à Platon.

Des « retraités » de la GRC (Gendarmerie Royale du Canada) ont aidé à planifier le convoi 2022. Les organisateurs ont averti les autorités de la ville une semaine à l’avance et on a permis aux camions de rentrer sans restriction sérieuse. On a laissé la situation moisir pendant une vingtaine de jours avec un tir de barrage groupé à l’unisson de la « pressetitué ». Pendant la crise d’octobre, c’est cette même GRC qui posait des bombes dans les boîtes aux lettres en signant FLQ (Front de libération du Québec). Quel beau prétexte pour imposer l’état d’urgence (anciennement loi sur les mesure de guerre, ceci est orwellien).

Il faut toujours attiser la colère du peuple pour s’en servir… C’est un conflit triangulé. Voir « Neuro-Pirates » de Lucien Cerise aux éditions Kontre Kulture.